Vous avez reçu du courrier ou pas !? 

By / Matthew T. Potomak  and/et Liam Robertson, Kuhn LLP

Matthew T. Potomak

English

Le privilège dans l’industrie de la construction peut souvent faire la différence entre être payé pour son travail… ou devoir en faire les frais soi-même.  Cela dit, le privilège en construction n’est valide que pour une période précise à moins que certaines mesures n’aient été prises.  Et si ces mesures ne sont pas prises dans les délais prévus, le privilège en construction (et la sûreté associée) devient caduc.      

Dans l’affaire récente Triad Mechanical Inc. c. Maple Leaf Green World Inc., 2021 BCSC 1865, les dispositions prévues n’ont pas été suivies et le privilège est devenu caduc… et l’entrepreneur s’est retrouvé sans sûreté pour sa réclamation.  

Notions préliminaires sur l’extinction des privilèges dans l’industrie de la construction

Pour bien comprendre l’importance du jugement dans cette affaire, il faut savoir comment le droit du privilège en construction s’applique généralement en Colombie-Britannique, à savoir :

  1. Un privilège en construction relatif à un titre foncier arrive à échéance un an à partir de la date d’inscription au registre sauf, habituellement : (1) si entretemps le titulaire introduit une action auprès de la Cour supérieure de Colombie-Britannique pour faire intervenir le privilège, et (2) s’il dépose un certificat d’affaire en instance relativement à la propriété en question.  
  2. L’échéance d’un an peut être avancée par le propriétaire du bien foncier ou par un autre demandeur invoquant son privilège ; il s’agit alors d’introduire une action en justice faisant intervenir tous les demandeurs liés au privilège pour avancer le délai à 21 jours de la date de signification présumée de l’avis d’action en justice.   

Les faits

Le 11 janvier 2019, Triad Mechanical Inc. faisait inscrire au registre une demande de reconnaissance de privilège à l’endroit de terrains en propriété de Woodmere Nursery Ltd ; selon Triad, Maple Leaf Green World Inc. lui devait la somme de 717 346,60 $ pour la fourniture et l’installation d’équipements mécaniques, de plomberie, d’eau, de gaz et de CVCA, ainsi que de conduites souterraines.

Le 23 octobre 2019, un autre titulaire de privilège déposait dans un bureau de la Société canadienne des postes un prévis d’action destiné à Triad.      

Conformément à la loi sur le privilège dans la construction, le préavis d’action était effectivement présumé avoir été signifié le huitième jour après le dépôt à la Société canadienne des postes, soit le 31 octobre 2019.  Ceci voulait dire aussi que Triad devait invoquer son privilège et déposer un certificat d’affaire en instance dans les 21 jours suivant cette date, soit avant  le 21 novembre 2019. 

Bien que Triad ait été mis au courant de l’expédition du préavis d’action qui lui était destiné, et aussi curieux que cela puisse paraître, le document physique que l’autre demandeur avait déposé auprès de Poste Canada n’a pas été livré à Triad.  Il a plutôt été renvoyé à l’expéditeur.  

Triad avait bien entamé les procédures relativement au privilège le 21 novembre 2019, mais n’a déposé son certificat d’affaire en instance que le 29 novembre 2019.  

C’est ainsi que Woodmere, propriétaire des terrains, a fait valoir que le privilège devenait caduc et a exigé de Triad qu’il retire sa demande d’invocation de privilège.

Triad a répliqué qu’il n’avait pas reçu l’avis et qu’il ne pouvait pas être présumé avoir fait l’objet d’une signification par courrier postal s’il n’avait jamais reçu l’avis par la poste.  

Face à ce dilemme,  Woodmere a demandé à la cour de supprimer et d’annuler le privilège grevant ses terrains.

Le jugement

La cour a, en fin de compte, conclu que le privilège était échu car le certificat d’affaire en instance avait été déposé en retard.  C’est ainsi que Triad n’a pas pu revendiquer son privilège et que la somme visée par ce privilège (717 346,60 $) ne se trouvait plus garantie.  

Leçons à tirer 

  • On ne s’attend pas du simple entrepreneur qu’il soit versé dans tous les aspects de la loi sur le privilège dans la construction.  Cependant, il doit savoir que des délais de prescription stricts s’appliquent et qu’ils ne se limitent pas aux seules périodes prévues pour l’inscription de la demande de privilège au registre ; en effet, d’autres délais s’appliquent après l’inscription de la demande de privilège au registre.  
  • Bien que les services juridiques puissent parfois coûter cher, ils valent leur pesant d’or ; embaucher un avocat au départ peut s’avérer utile quand on veut faire protéger ses droits de rétention dans le cadre d’un privilège à invoquer pour le paiement de travaux, de services et de matériaux. ▪ 

Le présent article a été rédigé par Matthew T. Potomak, avocat, et Liam Robertson, stagiaire, qui travaillent dans le domaine du droit de la construction au cabinet Kuhn LLP.  L’information qu’il contient constitue simplement un guide et ne s’applique pas forcément à tous.  Il est essentiel que vous consultiez un avocat qui examinera votre cas particulier.  Pour toute question ou observation sur le cas présenté ici ou sur toute autre cause juridique liée à la construction, n’hésitez pas à communiquer avec nous au 604.864.8877 (Abbotsford) ou au 604.684.8668 (Vancouver).

Le lecteur québécois comprendra que la présente traduction française a été établie dans le contexte du régime de la common law et qu’il doit consulter un juriste pour procéder aux adaptations exigées le cas échéant par le droit civil québécois.