Gérer la suite : conséquences imprévues d’une résiliation convenue d’un commun accord

Matthew T. Potomak

par Matthew T. Potomak  and/et Liam Robertson, Kuhn LLP

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Il n’est pas rare qu’un différend surgisse au sujet de l’augmentation des frais dans le contexte d’un contrat de construction à prix coûtant majoré.  La façon de résilier un contrat de construction (écrit ou oral) peut avoir un effet déterminant sur la possibilité d’obtenir ou non des dommages-intérêts.  

Dans l’affaire récente Highridge Homes Ltd. c. de Boer, 2021 BCSC 1112, le tribunal a examiné la constitution, l’exécution et la résiliation d’un contrat pour la construction d’une nouvelle habitation et s’est penché, plus précisément, sur les conséquences de la résiliation convenue d’un commun accord sur les réclamations de l’entrepreneur relativement à son manque à gagner. 

Les faits

Dans cette cause, les deux propriétaires ont retenu les services de Highridge Homes Ltd. pour la construction d’une maison sur mesure dans le lotissement du terrain de golf Predator Ridge à  Vernon, en Colombie-Britannique. Les parties avaient choisi la formule de contrat écrit à prix coûtant majoré, légère variation du contrat-type de Highridge.

Peu après la signature du contrat, Highridge commençait les travaux et présentait ses premières factures aux propriétaires.  Cependant, un différend a surgi rapidement sur les travaux d’excavation qui coûtaient plus cher que prévu.

Une réunion a eu lieu pour discuter des coûts et de la facturation.  Pour citer le juge Wilson, « les parties se sont disputées, le ton a monté, la colère a éclaté, des portes ont claqué et c’en était fait de la relation entre les parties ».

Si la réunion a été brève et houleuse, elle a néanmoins donné lieu à des discussions sur une stratégie de sortie du contrat, ce qui a d’ailleurs été confirmé ultérieurement par un courriel et une lettre de l’avocat des propriétaires. 

Puis, Highridge a intenté des poursuites contre les propriétaires pour obtenir les sommes impayées plus des dommages-intérêts pour le manque à gagner (c’est-à-dire les frais de gestion qui auraient dû être versés pendant le reste de la durée du contrat) subi par Highridge en raison de la résiliation injustifiée du contrat en question. 

Les propriétaires ont alors déposé une demande reconventionnelle contre Highridge, soutenant que c’était Highridge qui avait résilié le contrat et que, par conséquent, ils avaient droit au remboursement de dépenses supplémentaires liées au fait de devoir trouver et payer un nouvel entrepreneur pour terminer la maison. 

Le jugement

Selon le tribunal, les parties avaient convenu de résilier le contrat d’un commun accord.  Si Highridge avait droit au paiement de certains des frais engagés et non encore réglés, l’entrepreneur ne pouvait pas réclamer de manque à gagner puisqu’il avait accepté de mettre fin au contrat.  De même, les propriétaires ne pouvaient pas exiger le réglement de frais supplémentaires liés au remplacement de l’entrepreneur puisque, eux aussi, avaient convenu de résilier le contrat avec Highridge. 

Dans son examen de la demande de dommages-intérêts pour manque à gagner de la part de l’entrepreneur et de la requête en remboursement de frais supplémentaires de la part des propriétaires, le tribunal a dû revoir les déclarations de Highridge et celles des propriétaires selon lesquelles c’était l’autre partie qui avait rompu le contrat.  Le tribunal donc passé au peigne fin le détail de la preuve liée à la réunion et, plus particulièrement, toutes les interventions relatives à une stratégie de sortie.

Comme les parties avaient convenu de résilier le contrat, Highridge n’était pas tenu d’exécuter d’autres travaux pour les propriétaires, pas plus qu’il n’avait la permission de le faire.  Les propriétaires, quant à eux, étaient libres de faire terminer la construction de leur maison comme ils l’entendaient. 

Highridge n’a pas pu obtenir le manque à gagner pour le reste des travaux parce qu’il était partie  à la décision sur la résiliation du contrat.  De même, les propriétaires n’ont pas pu se faire rembourser les dépenses supplémentaires liées au fait d’avoir à embaucher un autre entrepreneur.   

Leçons à tirer

La façon dont l’entrepreneur se manifeste dans le contexte d’une résiliation de contrat peut avoir des conséquences déterminantes sur la possibilité d’obtenir ou non des dommages-intérêts au chapitre du manque à gagner.

Il y a lieu d’établir un contrat de construction détaillé sur la façon de surveiller les coûts et de résilier le contrat dans l’éventualité d’un différend.   

Si un différend surgit, il est plus prudent de communiquer sans délai avec un avocat qui vous aidera à comprendre vos droits et vos obligations, à gérer vos communications et à protéger votre accès à de futurs recours juridiques.  ▪ 

Le présent article a été rédigé par Matthew T. Potomak, avocat, et Liam Robertson, stagiaire, qui travaillent dans le domaine du droit de la construction au cabinet Kuhn LLP.  L’information qu’il contient constitue simplement un guide et ne s’applique pas forcément à tous.  Il est essentiel que vous consultiez un avocat qui examinera votre cas particulier.  Pour toute question ou observation sur le cas présenté ici ou sur toute autre cause juridique liée à la construction, n’hésitez pas à communiquer avec nous au 604.864.8877 (Abbotsford) ou au 604.684.8668 (Vancouver).

Le lecteur québécois comprendra que la présente traduction française a été établie dans le contexte du régime de la common law et qu’il doit consulter un juriste pour procéder aux adaptations exigées le cas échéant par le droit civil québécois.