Corrosion sous l’isolation – les apparences d’un revêtement intact sont trompeuses !

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par / Monica Chauviere

« Si le revêtement installé sur l’isolant n’est pas endommagé ni abîmé sur des centaines de pieds de conduites ou sur la totalité d’un gros appareil, comme une tour, c’est qu’il n’y a probablement pas de corrosion sur l’acier sous l’isolation. »

Faux !  Et même archi-faux.

Le risque de corrosion sous l’isolation (CSI) est élevé dans les opérations à chaud si l’isolant est de type absorbant et si l’une quelconque des situations suivantes se vérifie :

  • L’isolation a été installée avant la pose appropriée d’un revêtement conçu pour résister à l’eau chaude ou bouillante (c’est-à-dire avant 1990 ou à peu près).
  • La pose d’un système de revêtement qui convienne à l’exposition à l’eau chaude n’a pas fait l’objet d’une inspection par un expert accrédité, et l’isolation a été installée voilà plus de dix à quinze ans.
  • Les équipements à eau chaude fonctionnent en cycles qui comportent des oscillations régulières entre des températures élevées et des températures ambiantes.

Ceci ne veut pas forcément dire que l’isolation des systèmes à eau froide n’est pas aussi concernée.  En fait, il est tout aussi vrai que le risque existe pour les opérations à froid à des températures habituellement au-dessus du point de congélation. Mais, dans le présent article, nous nous concentrerons sur les opérations à chaud.

De l’eau, toujours de l’eau !

Comment l’eau arrive-t-elle à s’infiltrer dans l’isolation si le gainage protecteur n’a pas l’air endommagé ou qu’il n’en manque aucune section ?  Et, ce qui est plus important, pendant combien de temps l’eau stagne-t-elle ? Les experts du secteur s’entendent sur un point et je l’ai répété maintes fois : « La question n’est pas tant de savoir si de l’eau va s’infiltrer, mais quand elle va s’infiltrer ».

Voyons plutôt comment l’eau peut s’infiltrer sans qu’on puisse la détecter à première vue :

  • Absence de calfatage : La présence ou l’absence de calfatage n’est pas facile à repérer même à quelques pieds de distance.  Il arrive souvent que des protubérances et des joints qui devraient être calfatés au silicone ne sont pas accessibles et ne peuvent pas faire l’objet d’une inspection visuelle digne de ce nom.  Même si le joint a été calfaté, peut-être n’adhère-t-il pas comme il faut.  J’ai déjà vu un filet de calfatage complet autour d’une protubérance du produit isolant s’être détaché entièrement du chemisage. Il adhérait bien au tuyau, mais s’était décollé à environ un huitième de pouce au-dessus du revêtement. Il est manifeste que le calfatage avait été appliqué sur une surface contaminée et le défaut n’a pu être détecté que par une inspection visuelle effectuée de très près et après quelques sondages.
  • Présence de calfatage là où il ne le faut pas :  Aussi curieux que cela puisse paraître, la présence de calfatage à certains endroits n’est pas indiquée. Dès que de l’eau s’infiltre, il faut la faire évacuer aussi vite.  Si le calfatage sert à sceller l’extrémité du bas de tuyaux installés à la verticale — ou autour de tuyères installées à la position de six heures ou presque sur des équipements horizontaux, ce n’est pas indiqué non plus. Le calfatage à ces endroits retient l’eau et augmente le risque de corrosion et d’autres problèmes qui dépassent le propos du présent article.
  • Protubérances mal orientées ou mal conçues :  Quand des sections de la structure même ont été mal conçues, il se peut que de l’eau s’accumule, s’écoule à travers le chemisage et atteigne l’isolant.  De loin, l’isolation semble en parfait état.  Mais s’il manque ne serait-ce qu’un pouce de calfatage à des endroits stratégiques, de grandes quantités d’eau peuvent s’infiltrer.
  • Fonctionnement intermittent ou cyclique : Lorsque l’acier se refroidit lentement pour atteindre la température ambiante, de la vapeur d’eau se forme et se condense à la surface. Si le mode de fonctionnement comprend une phase de refroidissement à la température ambiante ou près de la température ambiante, et que le cycle se répète, cela signifie que de l’eau s’infiltre dans l’isolation. Si ce cycle se produit souvent, les phases humides et sèches empirent le phénomène de corrosion partout où il y a des défauts, et ce même avec un revêtement approprié.

Malheureusement, le problème d’infiltration d’eau ne se limite pas à l’isolation de type absorbant. Certaines installations emploient des matériaux isolants pour les appareils à chaud qui autrefois servaient seulement aux appareils à froid.

Les matériaux de mousse à structure cellulaire souple ou rigide présentent des problèmes considérables quand il s’agit d’isoler des équipements à chaud.   Un de ces problèmes, c’est que ces matériaux isolants n’ont pas été conçus pour respirer, et ils ne laissent pas facilement s’évacuer l’eau accumulée derrière, ni la vapeur d’eau créée par la chaleur.

Innovations dans la détection de la CSI

Des technologies et des appareils font présentement l’objet d’essais pour la détection à moindres frais de la CSI.

Des appareils à ultrasons peuvent voir, « à travers » l’isolation, les surfaces et détecter les pertes de masse de l’acier. Cette technologie est relativement nouvelle.  La CSI qui n’est pas détectée peut entraîner des conséquences catastrophiques et les responsables d’installations ne sont pas encore convaincus que cette méthode est infaillible. Même si cela prend du temps, de nombreux exploitants restent prudents et continuent d’enlever un pourcentage minimum de l’isolation pour procéder à des inspections visuelles. 

Il existe aussi un autre type d’appareil muni d’un voyant qui est inséré dans le matériel isolant et qui s’allume lorsqu’il détecte la présence d’eau sous l’isolation. Il n’indique pas s’il y a de la corrosion, mais simplement que de l’eau se trouve sous l’isolant. Je ne pense pas qu’il est possible d’éteindre le voyant ni de remettre l’appareil à zéro.  J’imagine que l’appareil pourrait être utile dans une situation bien précise et pour un lieu donné qui est facilement accessible. Sinon, ce type d’appareil devient prohibitif parce qu’il peut être difficile d’accès et aussi parce qu’il en faudrait un grand nombre.

La détection de la corrosion sous l’isolation (CSI) – la démarche appropriée

Ce serait formidable de savoir exactement où de la corrosion se forme.  Mais comme nous n’avons pas ce luxe, nous devons nous en remettre aux connaissances acquises au fil du temps et faire appel à la logique et au gros bon sens.

La logique ici se résume à ceci :

  1. Les matériaux isolants classiques, qu’on retrouve à peu près partout de nos jours, sont de type rigide.
  2. Ceci signifie qu’il existe derrière l’isolant rigide un espace annulaire minime, mais réel, où l’eau peut s’accumuler.
  3. La grande majorité de ces installations a été construite avec des produits isolants qui absorbent l’eau – et c’est encore le cas aujourd’hui – et suivant des détails de conception propices à l’accumulation d’eau et qui empêchent un drainage rapide.
  4. De l’eau peut s’infiltrer – et s’infiltre de fait – dans les réseaux d’isolation qui semblent intacts.

Pour avoir une bonne idée de ce qu’il faut faire et par où commencer, il faut connaître les détails de conception précis du fonctionnement et des équipements en question.  Il faut tenir compte des aspects les plus importants de l’environnement de fonctionnement et du type et de l’âge de l’isolation.  Il faut enfin comprendre les détails à relever sur le terrain.

Il n’y a pas de baguette magique, mais avec l’information clé et le savoir-faire nécessaire, il est possible de gagner du temps et d’économiser de l’argent dans le processus de détection de la CSI.

À retenir :  Connaître tous les détails de conception liés au fonctionnement et aux équipements, tenir compte des éléments clés de l’environnement de fonctionnement ainsi que du type et de l’âge de l’isolation et comprendre quels détails il faut chercher à inspecter sur le terrain — tout cela nous aidera à repérer la corrosion sous l’isolation. ▪

Monica Chauviere, experte reconnue dans le domaine de la corrosion sous l’isolation (CSI), possède plus de trente ans d’expérience, notamment auprès de la ExxonMobil Baytown Refinery et de la ExxonMobil Research and Engineering Company. 

Le présent article a été publié la première fois à l’adresse URL corrosionpedia.com/cui-myth-4-theres-no-cui-if-the-jacketing-isnt-damaged/2/2018 en 2015.  Il a été mis à jour en 2018 et revu en 2021. Il est reproduit ici avec la permission de l’auteure et de corrosionpedia.com